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Economie

« Le Qatar est un partenaire clé sur de nombreuses questions »

Relations économiques renforcées, médiation dans la crise afghane, rencontres bilatérales fréquentes, collaboration sur la sécurité régionale et les grands projets de développement de l’émirat : les échanges stratégiques entre Paris et Doha sont au beau fixe, assure l’ambassadeur de France au Qatar, Jean-Baptiste Faivre, au cours du long entretien qu’il a accordé au Journal des Français à l’étranger, à quelques mois du coup d’envoi du Mondial de football au Qatar.

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Français à l’étranger (F.A.E) : Comment se porte la relation bila­ térale entre la France et le Qatar ?
Jean-Baptiste Faivre (J-B.F.) : Elle s’est sensiblement renforcée au cours de ces derniers mois. Les contacts ont repris fortement après la période de ralentissement liée à la pandémie. Le président de la République et l’émir se sont vus en août 2021 à Bagdad (Irak) pour travailler ensemble à la sécurité régionale, puis le chef de l’État français est venu en décembre à Doha et l’émir était à Paris ce 29 mai. Les échanges ministériels ont été de nouveau très nombreux.

Le Qatar est apparu comme un partenaire clé sur de nombreuses questions de premier plan comme l’Afghanistan ou l’énergie. L’émirat a déployé ses capa- cités de médiation sur de nombreux théâtres comme récemment en Afghanistan ou encore au Tchad. La France soutient naturellement les efforts du Qatar qui se veut être un acteur de paix et de dialogue dans ces différentes crises avec un certain succès. Emmanuel Macron a eu notamment l’occasion de remercier l’émir Cheikh Tamim ben Hamad Al Thani pour l’aide déterminante du Qatar dans les opérations d’évacuation depuis Kaboul vers Paris via Doha. Ces opérations, menées conjointement avec nos partenaires, ont permis l’évacuation de plus de 500 Français et Afghans qui se trouvaient en difficulté en raison de leurs liens avec la France.

Soutenue par un nombre important de visites dans les deux sens, cette dynamique va également de pair avec le renforcement de notre relation bilatérale ces derniers mois. Mon mandat en tant qu’ambassadeur consiste à soutenir et à consolider cette tendance dans l’intérêt mutuel de nos deux pays.

Je tiens également à saluer le rôle pré- pondérant joué par la communauté française au Qatar dans la construction de cette relation d’excellence entre Paris et Doha. Le nombre de Français installés au Qatar n’a cessé de progresser depuis une quinzaine d’années, en raison de l’attractivité du pays et des grands travaux mis en œuvre dans le cadre de la préparation de la Coupe du monde de football. Le nombre de Français est passé de 2 500, en 2009, à 5 600, aujourd’hui. C’est une communauté dynamique où les actifs représentent près de 45 % et travaillent principalement dans les secteurs de l’énergie, du bâtiment, de la haute technologie, de l’hôtellerie et de la restauration, du sec-teur bancaire, de l’enseignement et du sport. Près d’un tiers des inscrits a entre 18 et 40 ans et près de 40% ont moins de 18 ans.

F.A.E : Comment évaluez­ vous le dynamisme de la relation bilatérale sur le plan économique ?

J-B.F. : Malgré la pandémie, qui a affecté forte- ment l’économie mondiale, la relation économique entre la France et le Qatar reste très forte. Le Qatar est un partenaire stratégique de premier plan.

C’est dans cet esprit que nous avons aujourd’hui un dialogue sur les sujets énergétiques, le Qatar étant l’un des principaux exportateurs de gaz naturel liquéfié. L’émirat est appelé à jouer un rôle majeur sur la scène internationale en termes d’approvisionnement. Dans le contexte actuel, ce dialogue s’avère d’autant plus important que les enjeux à la fois pour la France et pour l’Europe sont de taille. Par ailleurs, nos échanges s’élevaient l’an dernier à 1,6 milliard d’euros, et le Qatar figure parmi nos trois premiers excédents commerciaux dans la zone Proche et Moyen-Orient. En 2020, l’émirat comptait même parmi nos dix premiers excédents au monde (1,1 milliard d’euros).

De nouveau, concernant le secteur stratégique du gaz naturel liquéfié, Les sociétés françaises sont prêtes à accompagner le Qatar dans ses grands projets énergétiques en cours. Technip Energies avec son partenaire japonais Chiyoda sont d’ores et déjà au cœur d’un projet stratégique qui portera la capacité de liquéfaction du Qatar de 77 millions de tonnes à 110 millions de tonnes/an d’ici à 2027.

Le Qatar a également placé sa confiance dans l’expertise de la France dans nombre d’autres secteurs essentiels au développement du pays et à la diversification de son économie. En particulier, dans la perspective de l’échéance majeure que constitue la Coupe du monde fin 2022, la chaîne de valeur française a été fortement mobilisée sur la conception et le déploiement de l’ambitieux réseau de transports urbains dont bénéficie Doha, depuis l’ingénierie jusqu’à l’opération en passant par la construction et la sécurité, et le groupe hôtelier Accor s’est vu décerner un contrat majeur relatif à l’accueil des supporters. Au-delà de ces récents succès, les perspectives pour la relation bilatérale en matière économique sont riches, et l’appétence de nos entreprises pour le Qatar est manifeste comme l’a démontré l’importante délégation de très haut niveau organisée par le MEDEF en septembre dernier, et la présence solide de nos groupes au Qatar qui sont engagés dans des partenariats de long terme avec leurs contreparties qatariennes. La présence française au Qatar comprend 120 implantations et environ 90 franchises.

F.A.E : Le Qatar compte beaucoup sur la culture pour asseoir sa position dans le golfe Persique. Est-­ce également un axe important pour la relation bilatérale ?

J-B.F. : La culture est un volet essentiel de la coopération bilatérale. Nous sommes à ce titre très honorés que l’un des musées les plus emblématiques de Doha, le Musée national du Qatar, ait été conçu par l’architecte français Jean Nouvel. L’année culturelle France-Qatar, en 2020, prolongée en 2021, a été une formidable opportunité pour renforcer les liens qui unissent les deux pays et permettre d’asseoir de nouvelles collabo- rations. Parmi les expositions phare de l’année culturelle, on peut citer l’exposition Picasso à la Fire Station, ainsi que l’exposition Christian Dior : couturier des rêves au centre et incubateur de mode, le M7, au cœur du quartier de Msheireb. Le domaine musical a également été mis à l’honneur avec plusieurs concerts en début d’année 2020, accueillant un chef d’orchestre français autour d’une programmation de compositeurs français. L’orchestre national de jazz a été l’invité d’honneur du Festival européen de jazz qui se tient chaque année dans le village culturel de Katara.

La France a notamment accueilli, durant cette même période, l’exposition Notre monde brûle, au Palais de Tokyo, en coopération avec le Mathaf [Arab Museum of Modern Art, musée d’art moderne et contemporain, créé en 2010 dans le quartier Education City de Doha, ndlr], l’exposition Farid Belkahia au Centre Pompidou, mais aussi plus récemment la collection Al Thani à l’Hôtel de la Marine.

Enfin, l’ouverture très récemment du Qatar Olympic and Sports Museum (ou 3-2-1 Museum) permet d’engager une belle collaboration avec le Musée national du sport de Nice, tant pour la Coupe du Monde de football que pour les Jeux olympiques de Paris 2024. Beaucoup de beaux projets très prometteurs en perspective, notamment dans le domaine muséal, pour ne citer que ceux-ci.

F.A.E : L’émirat est souvent montré du doigt pour son importante empreinte éco­ logique. La France peut­-elle aider le Qatar à devenir plus vertueux en termes de transition énergétique ?

J-B.F : La protection de l’environnement est une priorité commune et essentielle. Cette question est un défi pour nous tous. Le changement climatique et le développement durable constituent également un domaine très important de notre coopération bilatérale avec le Qatar, que nous souhaitons évidemment développer : à cet égard, l’ambassade de France encourage une approche collaborative entre les autorités et les entreprises de nos deux pays. Par exemple, le ministère des Municipalités, et l’ambassade de France ont co-organisé en mars dernier une conférence bilatérale sur l’économie circulaire et la gestion des déchets solides, avec le soutien du ministère français de la Transition écologique qui a permis de présenter et de partager nos expériences respectives complémentaires en matière de développement urbain durable. L’ambassade de France, en collaboration avec le Qatar Green Building Council (Conseil désormais appelé Earthna) et le Doha Institute, a également organisé une conférence sur « Les villes côtières et le changement climatique », le 25 octobre 2021, à l’occasion de la Qatar Sustainability Week. La conférence a été organisée avec une équipe d’experts internationaux et locaux, qui ont fourni des informations importantes à la fois sur la science du changement climatique et sur les stratégies d’adaptation nécessaires concernant les villes côtières du Qatar et d’autres régions. En effet, en raison du changement climatique, elles pourraient être confrontées à des menaces majeures telles que l’élévation du niveau de la mer, des événements météorologiques plus extrêmes et une augmentation de la température annuelle. C’est un exemple concret d’un sujet sur lequel nous pouvons réfléchir et agir ensemble.

F.A.E : Le Qatar a une image dégradée en France. Beaucoup appellent à boycot­ter le Mondial de football en raison du non-­respect des droits de l’homme et des décès de travailleurs étran­gers sur les chantiers des stades. Les choses ont-­elles avancé sur le sujet ? La France y a-­t­elle contribué ?

J-B.F : La Coupe du monde a été un facteur de transformation et les autorités qatariennes se sont impliquées pour engager des réformes et pour le faire en liaison étroite avec l’Organisation internationale du travail (OIT) qui a installé un bureau régional à Doha en 2017. C’est une démarche qui va dans le bon sens et qui a permis au Qatar d’améliorer son cadre juridique relatif au droit du travail et à l’amélioration des conditions d’emploi et de vie des travailleurs expatriés. Cela porte notamment sur le démantèlement du système du parrainage (kafala) actée en 2020, la mise en place d’un salaire minimum avec des mesures spécifiques pour le logement et la restauration des travailleurs en 2021 ou encore à la fin du certificat de non-objection qui facilite les changements d’emploi.

Il est important naturellement de pour- suivre dans cette voie et nous encourageons le Qatar à le faire. Il est également important d’assurer la mise en œuvre de ces mesures et c’est dans cette perspective que nous avons formalisé notre coopération par une lettre d’intention signée le 27 mars 2022. Dans le cadre de cette coopération, en 2022 et 2023, la France, le Qatar et l’OIT développeront une série d’actions conjointes dans les domaines du dialogue social, du genre et de la non-discrimination, des processus d’inspection du travail et du développement de plateformes d’emploi. Cet accord vise à renforcer la collaboration entre les trois parties, en appui à la mise en œuvre des réformes structurelles du travail adoptées au Qatar ces dernières années. Nous organiserons prochainement une première mission exploratoire d’experts français au Qatar pour détailler l’éventail des projets qui pourraient être mis en œuvre conjointement et identifier comment les institutions du travail au Qatar pourraient bénéficier au mieux de l’expérience et de l’expertise françaises. L’idée est d’apprendre des bonnes pratiques et d’essayer de les appliquer au contexte spécifique du Qatar.

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